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Les années 1960 de Nagisa Oshima

25 Mai 2020 Publié dans #Cinéma, #Cinéma japonais, #1960es, #Nagisa Oshima, #Japon

Nuit et brouillard au Japon (1960) de Nagisa Oshima (1932-2013)

Étrange film que ce Nuit et brouillard au Japon. Passé un petit quart d'heure où des étudiants discourent sans trêve sur le matérialisme historique, la lutte des classes et la place de l'avant garde dans le mouvement prolétarien, le rusé Oshima bifurque et nous fait passer sa pilule par un bon vieux whodunit des familles : ici, un mouchard de la police a été capturé à la faculté puis s'est enfui, un des étudiants révolutionnaires mourant peu après. Y a-t-il lien de cause à effet ? l'étudiant était-il un mouchard ? qui a aidé le mouchard à s'enfuir? Non content de cet insuffisant sirop concédé aux spectateurs amoureux de fiction, Oshima ajoute aussi quelques rivalités amoureuses pour conserver ses spectateurs et passer le message : dans la lutte révolutionnaire, le danger permanent de l'avant-garde est son embourgeoisement, auquel ont d'ailleurs succombé le parti et les anciens staliniens qui le dirigent. Idée brutalement surlignée dans la scène finale qui voit nos héros ployer littéralement sous un discours du secrétaire de section qui leur tombe dessus comme une chape de plomb.

Pourquoi voir aujourd'hui ce film qui sent si bon les années 60 ? Eh bien, pour le style : on commence par une caméra fixe qui nous fait des panoramiques à 180° autour de la table de mariage, on embraye (40 ans avant Dogville de Lars Von Trier) par des scènes en fond noir, on s'amusera à compter les arrêts sur images, zooms arrière ou les fondus enchaînés plus subtils que la moyenne - et on reçoit du Chostakovitch sans aucune interruption et à plein volume pendant 1h47. Le film a fait son petit effet en 1960 ; on comprend pourquoi. On peut s'amuser à le revoir aujourd'hui, plus par curiosité que dans l'esprit de voir une grande réussite.

Les plaisirs de la chair (1965) de Nagisa Oshima (1932-2013)

Les Plaisirs de la chair est un film charnière entre le Oshima première période, celui de la trilogie de la jeunesse et le Oshima des grandes œuvres de 1968-1972. On retrouve certes des obsessions du réalisateur (la corruption du sexe, l'aliénation par l'argent) mais ce qui frappe immédiatement (et pourrait décevoir), c'est l'absence de patte personnelle de la mise en scène. Si l'on voyait le film sans en connaître l'auteur, on pronostiquerait plutôt Masumura (en moins sensuel), voire Imamura (en moins profond et plus ordonné). Il n'empêche qu'il s'agit d'un film brillant et stimulant.

L'idée de base (claquer dans les femmes et en une année une fortune acquise du fait d'un meurtre avant de se faire seppuku) est tout simplement géniale et le défilé des femmes qui partagent cette dernière année est saisissant (avec une typologie très oshimienne pour le coup : la pute, la femme mariée, la femme indépendante, la sourde-muette). La conclusion est improbable et grandiose. A voir absolument.

L’obsédé en plein jour (1966) de Nagisa Oshima (1932-2013)

Comme tous les Oshima de la décennie prodigieuse qu'il inaugure (1966-1976), L'obsédé en plein jour (1966) est assez déconcertant, pas entièrement réussi mais constamment passionnant.
Deux hommes et deux femmes vivent dans une communauté rurale. La première femme est aimée des deux hommes ; elle tente un double suicide avec le premier d'entre eux mais en est sauvée par le deuxième homme qui la viole avant d'épouser la deuxième femme. Ce violeur devient criminel et les deux femmes vont devoir débattre de l'opportunité de le livrer à la justice.

Si le traitement de l'histoire est complexe (les informations sont fournies avec parcimonie, dans le cadre de flash back particulièrement subtils), la mise en scène est une pure merveille d'expérimentation : près de 2000 plans, montage brutal, cadrages en permanence innovants et jamais vus. Certes, les thématiques d'Oshima (la corruption de l'amour, Eros/Thanatos) ont souvent été présentées avec plus de concision et de force ; certes encore, la deuxième moitié du film donne lieu à des dialogues assez interminables entre les deux femmes. Mais le souffle du style emporte tout.


A propos des chansons paillardes au Japon (1967) de Nagisa Oshima (1932-2013)

Quatre lycéens viennent de passer leurs examens et ne pensent qu'aux filles. Ils fantasment sur la belle candidate n°469 qui a passé les écrits à leurs côtés, sur la femme de leur professeur, un ivrogne qui aime à chanter des chansons paillardes dans les restaurants tokyoïtes. Les voilà partis en virée avec trois lycéennes, groupies de ce professeur. Mais les filles se refusent à eux. Le drame se noue quand le professeur meurt (d'une intoxication au monoxyde de carbone ?) et que les garçons de mettent à rêver de viol.

Au plan du propos, on fera oeuvre de clémence en le qualifiant de confus. Que veut au juste nous dire Oshima ? Que les rigidités du Japon des années 1960 expliquent la frustration et la violence de sa jeunesse, sans doute. Mais des ambiguïtés pèsent sur la démarche et les scènes rêvées de viol collectif sont assez dures à avaler. Au plan formel, c'est, comme toujours avec Oshima, inattendu. Ici, mise en scène hyper-classique et sereine : pas de multiplication des plans, pas d'effets, pas de distance avec le récit. On profite de magnifiques images de Tokyo sous la neige.

Été japonais : double suicide (1967) de Nagisa Oshima (1932-2013)

Années 1960. C'est l'histoire d'une fille aux mensurations (qu'elle nous fournit avec fierté) et à la coiffure assez rares au pays du Soleil Levant. Elle veut faire l'amour avec son copain mais se retrouve séquestrée par une bande de yakuzas qui préparent une guerre chimérique contre on ne sait qui. Chacun poursuit ses obsessions (sexe, mort, guerre) sans parvenir à les satisfaire dans un huis clos qui ne s'éclairera qu'à la conclusion du film. Magnifique photographie Noir et blanc et cadres soignés dans ce film très oshimien à la contemplation duquel, pour ma part, j'ai péri d'ennui. Pose affectée de l'ensemble, confusion extrême du propos : le cinéma n'est guère attrayant quand il se réduit à des marionnettes ânonnant un texte qui leur est inintelligible.

 

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