Le petit garçon et la belle aristocrate

Le messager (1953) de LP Hartley (1895-1972)

Leslie Poles Hartley (1895-1972) n'est plus guère connu que pour ce roman, The Go-Between (1953), dont l'adaptation cinématographique, portée par la belle Julie Christie, permit à Joseph Losey d'obtenir la palme d'Or à Cannes en 1971.

Ce roman, comme tant d'autres de ceux de cette génération d'écrivains anglais (Waugh, Mitford, Powell), explore les abîmes de la division des classes et du refoulement des passions dans l'Angleterre corsetée de l'époque edwardienne et se place clairement dans les pas de EM Forster et DH Lawrence. L'histoire est simple : un petit garçon de la classe moyenne est hébergé dans le manoir d'une grande famille aristocratique, pour servir de compagnon au jeune héritier du domaine. Il va évidemment faire l'expérience d'usages, de manières et de préoccupations qui ne sont pas celles de son milieu d'origine ; il va surtout servir à la belle Lady de messager pour organiser ses rendez-vous clandestins avec un fermier des environs. Le motif est simple et offre à un romancier chevronné comme Hartley une vaste palette de possibles qu'il va explorer avec maestria. C'est en effet un roman à hauteur d'enfant qu'il nous propose (et Dieu sait qu'il nest pas aisé de revêtir les habits d'un garçon de dix ans) mais, tout autant, un brillant panorama des barrières sociales, morales et sexuelles de l'époque. Le style est classique, la narration construite avec soin mais le roman est aussi audacieux. L'idée de génie est aussi d'avoir fait revenir, quarante ans après, notre narrateur pré-pubère pour qu'il retrouve le château, sa lady - et de faire le point sur le scandale qui forme l'apogée du récit. Terribles pages, qui concluent ce texte faussement sage et franchement subversif.